Depuis sa révélation au grand public avec le morceau Arrêt du cœur sorti en 2016, Kalash Criminel s’est frayé un chemin pour se hisser parmi les rappeurs les plus influents de France.
Dès lors, le sevranais n’a pas dévié de sa musique «hardcore», il a su se faire accepter tout en gardant sa ligne de conduite et son engagement, collaborant ainsi avec de plus en plus d’artistes aux horizons variés.
Des morceaux énervés
Kalash Criminel nous propose d’ouvrir son 4ème projet avec un morceau drill : Insta/Twitter. Dans ce son violent qui annonce la couleur de l’album, Kalash Criminel pose les bases dès la première phrase : « J’suis producteur, éditeur mais aussi auteur ». Cela fait donc référence à son départ de chez Def Jam en 2018 afin de créer son propre label Sale sonorité records. Dans ce son d’ouverture, le rappeur de Sevran nous assaille de punchlines imagées et sombres dont il a le secret : « fais le guedin et roulant sera le fauteil » ou encore « sombre comme faire l’amour dans un cercueil ».
Il continue de laisser planer son atmosphère menaçante avec les morceaux Doute et Tarifs. Kalash Criminel le sait, en plus d’être le cagoulé le plus connu au monde, il est également « le meilleur de tous les rappeurs hardcore ». L’egotrip qu’il nous apporte dans ces sons ne se veut pas superflu, il est utilisé à bonne dose.
Tout ce mélange se retrouve également dans le morceau drill Shooter, qui se nomme ainsi en hommage au film et à la série du même nom.
Enfin, comment parler des sons énervés de l’album sans évoquer le featuring avec Nekfeu ?
Un casting 5 étoiles
Le rappeur de Sevran a su mettre la barre très haut au niveau des featurings pour son 2ème album. En effet, les 5 grands artistes avec lesquels Kalash Criminel a ici collaboré sont tous titulaires d’au moins un disque de diamant.
Le son Turn up poursuit cette lignée de morceaux violents qui habillent l’album. On y retrouve Nekfeu plus énervé que jamais, avec un flow rapide qui contraste bien avec le flow saccadé de Kalash Criminel sur la prod.
Cet album permet également d’avoir enfin une collaboration entre le rappeur cagoulé et Niska, un featuring attendu depuis des années par les fans des deux rappeurs. Tu paniques est ainsi un parfait mélange de l’egotrip des rappeurs du 91 et du 93 (« j’fais Sevran-Evry en jet privé » ; « j’suis Kadhafi mais en pire ») ponctué de leurs adlibs respectifs facilement reconnaissables.
Le morceau Dans la zone est également le résultat d’une alliance entre les univers du sevranais et du marseillais Jul. La prod signée Traxx et Medeline a su être le juste milieu entre l’univers de Jul et celui de Kalash Criminel, permettant aux deux rappeurs d’y poser leur couplet en toute simplicité. Et forcément, le morceau se veut dansant et enivrant sur le refrain posé par la zone en personne.
La chanson Moments quant à elle traite d’un thème totalement opposé. En effet, Bigflo et Oli ont ici décidé de parler de la mort en musique. Un challenge de taille pour les frères toulousains qui se rendent eux aussi sur un terrain où on ne les attendait pas. A travers ce morceau on y découvre une ode à la vie, un appel à profiter de chaque instant qu’elle nous offre pour pouvoir accepter la mort le jour où celle-ci doit arriver. L’homme à la cagoule, lui, nous parle des confrontations qu’il a eu avec la mort durant sa vie : « j’ai assisté à plus d’enterrements que d’mariages » ; « très jeune j’ai vu des gens mourir, surtout au Congo ». A l’âge de 16 ans, Kalash Criminel a d’ailleurs dû apprendre à vivre avec la mort de son grand-frère.
Parmi ce casting 5 étoiles se trouve également une probable étoile montante, nommée 26keuss. Ce dernier est signé sur le label Sale sonorité records, a ainsi posé sur le morceau Droga et a su marquer le coup pour son premier gros featuring. Les deux rappeurs ont su nous prouver qu’il n’y a pas besoin de rapper vite pour être menaçants dans une chanson.
Enfin, le dernier featuring à évoquer, qui est également le premier morceau sorti pour annoncer l’album, n’est autre que celui avec Damso.
Un album plein de revendications
Le morceau But en or est une réelle prouesse artistique, à tous les niveaux. Tout d’abord, l’instru extrêmement travaillée d’Hypnotic Beatz nous emmène dans un tout autre univers, elle se démarque réellement des autres prods présentes sur l’album. Ensuite, le clip réalisé par Felicity Ben Rejeb Price permet d’accentuer, de décupler l’aspect engagé de ce morceau.
Le refrain et le couplet amenés par Kalash Criminel sont dans la lignée de la performance en opposant les traitements effectués en Occident ainsi qu’en et envers l’Afrique. Ainsi, Kalash Criminel sait que, de par le fait qu’il soit africain, il soit « obligé d’faire deux fois plus que les autres ». Il se demande également « pourquoi on censure Dieudonné mais on laisse parler Eric Zemmour » et s’insurge donc contre cette justice à deux vitesses instaurée en France.
Le couplet de Damso apporte la touche finale à cette prouesse artistique, en expliquant son combat en tant qu’homme noir et les humiliations qu’ont dû connaître ses ancêtres au fil des générations.
Dans le morceau suivant, Sale boulot, Kalash Criminel continue de s’exprimer sur le traitement réservé à l’Afrique, aussi bien par l’Occident que par l’Afrique elle-même : « Les problèmes du Congo c’est les congolais / tu rajoutes Bill Gates et Paul Kagame » ; « en Afrique on pense qu’à faire la guerre mais on a du mal à trouver à graille et d’l’eau potable ». Il fait également état de la justice en France : « Tant d’bavures policières mais aucun policier en taule / Au Parlement, des mecs diplômés aussi incompétents ».
Enfin, comment parler de Kalash Criminel sans traiter de l’un des sujets qui font qu’il en est ici aujourd’hui. Dans Incompris, le rappeur de Sevran évoque ce qu’est vivre en étant albinos, être rejeté autant en Occident qu’en Afrique : « certains blancs n’aiment pas les noirs, certains noirs n’aiment pas les albinos ». Cela change petit à petit en France, puisqu’ « être albinos c’est hype depuis que Crimi est devenu populaire » mais il tient à rappeler qu’ « en Afrique on nous tue, on nous coupe des membres, on nous sacrifie ».
Ainsi, pour son 4ème projet, le cagoulé le plus connu du monde a su user de sa recette hardcore à bon escient, tout en nous offrant des intonations mélodiques et mélancoliques qu’on ne lui connaissait pas forcément. Le rappeur avait également un message et de nombreuses revendications à faire passer à travers sa musique, montrant qu’il est prêt à tout pour les combats qu’il a décidé de mener.
Kalash Criminel a compris que dans la vie ce sont les plus forts et ceux qui s’adaptent le mieux qui réussissent, c’est le principe de la Sélection naturelle.