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samedi, avril 20, 2024

La provocation a-t-elle encore sa place en musique ?

1. Non car elle n’apporte rien musicalement
2. Malgré tout, choquer peut permettre de pointer du doigt certaines causes justes
3. L’égotrip est il lui aussi une forme de provocation ?
Conclusion

Dans une industrie musicale hyper-connectée et dont la moindre polémique se propage aussi vite que le leak de M.I.L.S 3, l’internaute avide de clash atteint vite son niveau satiété.

La société du spectacle a peut-être eu raison de l’aspect artistique de la musique: un clash entre 2 poids lourds musicaux obtiendra inéluctablement plus de mise en avant auprès du grand public qu’une chronique bien rédigée sur un album inconnu. Pourtant le clash n’est qu’une brique d’un édifice vertigineux, la provocation. Omniprésente dans la musique, aujourd’hui nous allons essayer de savoir si la provocation a-t-elle encore sa place en musique.

1. Non, car elle n’apporte rien musicalement

La provocation n’est pas seulement propre à la musique. Prenons un exemple concret: lors d’une pesée avant d’un combat de boxe, lequel des athlètes va venir provoquer l’autre: le champion, celui dont la réputation n’est plus à faire ou bien le rookie, celui qui n’a de toute façon rien à perdre ? La plupart du temps il s’agit du plus faible des deux.

Derrière cet exemple se cache une réalité: provoquer sert avant tout à combler son infériorité. En musique, cette infériorité caractérise la qualité artistique du contenu proposé. En quelque sorte la provocation permet de faire oublier à quel point le dernier album d’un artiste n’était pas si incroyable et ainsi de concentrer l’attention du public sur sa personne et non sur son travail.

Autre type de provocation qui fit couler beaucoup d’encre ces derniers temps: le clip Montero de Lil Nas X. Dans celui-ci on peut apercevoir l’artiste de 22 ans twerker sur une allégorie du diable. Il n’en faudra pas plus pour soulever les foules, particulièrement les communautés croyantes américaines qui en le critiquant feront ainsi parler de son clip. Lil Nas X a réussi son pari car le tout n’est pas d’attiser la haine. Il faut de l’autre côté savoir forger une communauté solide capable de vous protéger même en cas de bad buzz. En s’érigeant symbole de la communauté LGBT, celui-ci a su trouver un protectorat, que ce soit auprès de ses auditeurs comme par les médias.

Ainsi, le fait de se constituer une communauté solide refoulant tout avis divergent sur l’artiste supporté profère plus de pouvoir à celui-ci car il pourra par la suite rester plus facilement dans sa zone de confort puisque personne ne prendra le risque de le critiquer.

L’idée d’une armée de fanatique, Eminem en parlait déjà sur le morceau Stan. Dans celui-ci Slim Shady endosse le rôle de super fan d’Eminem, Stan, un jeune américain voulant à tout prix recevoir une lettre de son idole, en vain, jusqu’à le rendre fou.

I know you probably hear this everyday but I’m your biggest fan 

I even got the underground shit that you did with Skam   

I got a room full of your posters and your pictures, man

I like the shit you did with Rawkus too, that shit was fat

Anyways, I hope you get this man, hit me back

Just to chat, truly yours, your biggest fan

This is Stan

Je sais que tu entends probablement ça chaque jour, mais je suis ton plus grand fan

J’ai même le son secret que tu as fait avec Skam

J’ai une salle pleine de tes posters et photos mec    

J’aime le son que tu as fait avec Rawkus aussi, ce son était bon

Peu importe, j’espère que tu recevras ça mec, réponds-moi

Juste pour discuter, ton serviteur, ton plus grand fan                                                       

C’est Stan 

Ces supers fans ont un impact sur les médias, contraignants les journalistes rap à ne pas  prononcer la moindre critique sur les artistes, comme indiqué dans cet article de Yard, ne motivant pas ainsi les rappeurs à donner le meilleur d’eux même sous peine d’être raillé par la presse spécialisée française. Au pays de l’oncle Sam au contraire, il n’est pas rare de voir un album comme Yeezus de Kanye West recevoir la désapprobation de la presse spécialisée. Bien que dénigrer injustement un album est moralement condamnable, proposer une critique constructive ne sera qu’au contraire bénéfique pour l’artiste.

Ne pas souhaiter une évolution d’un artiste et lui demander de proposer à chaque fois le même travail («on veut le Kaaris d’Or noir, le Damso d’Ipséité») revient à le tuer.

Dirigeons nous vers Booba: Le 14 juillet dernier l’artiste sort le morceau Dolce Vita. Sur la pochette on retrouve le visage de George Floyd et quelques références dans le morceau au mouvement black live mais sans plus. Il est donc parfois difficile pour l’auditeur de savoir si certaines revendications ne servent pas simplement à surfer sur une vague autour d’une cause sans réel attrait pour celle-ci.

D’ailleurs une vague finit inexorablement par se casser, ne devenant qu’écume. Il faut par conséquent trouver aux artistes une nouvelle cause, et ainsi de suite… La défense de revendications concrètes devient bradée au prix que l’industrie musicale et les auditeurs lui donnent.

2. Malgré tout, choquer peut permettre de pointer du doigt certaines causes justes

Malgré tout, le tableau n’est pas tout noir. En effet, si la provocation sert avant tout à attirer l’attention, elle peut alors permettre de pointer du doigt certains défauts de notre monde afin de le rendre meilleur, sur des causes jusqu’alors méconnues. Kalash Criminel le fait très bien en mettant en lumière le pillage des mines au nord Kivu, sujet presque inexistant dans la sphère médiatique.

Volontaire est l’homicide, je sais que les médias font semblants de pas savoir qu’au Congo il se passe un génocide

Le travail d’un artiste n’est pas de relayer ce que les médias partagent mais de diriger la lumière sur des causes encore dans l’ombre.

Si le flux d’informations ne passe pas par le prisme des artistes qui prennent position, plaide la cause ou au contraire la déconstruise, leur intérêt d’influenceur devient amoindri. L’influenceur devient influencé. Malgré tout, un autre problème s’érige devant les artistes : les maisons de disques. Une prise de position sur un sujet assez sensible peut entraîner la fin d’un contrat entre un artiste et une maison de disque. 

Freeze Corleone vit son contrat rompu avec Universal à la suite de propos jugés antisémites sur son dernier album

S/o les Indiens d’Amérique, s/o l’esclavage, R.A.F des camps de *bip* (sku, sku)

De même, faisons preuve de bon sens: le “nique Roméo Elvis” de Chanceko serait mal passé si celui-ci était signé chez Disques Barclay, la maison de disques de l’artiste belge.

3. L’égotrip est il lui aussi une forme de provocation ?

De tout ce qui englobe la provocation, une chose se distingue de la mêlée par sa singularité dans le rap: l’égotrip. L’égotrip est le fait d’améliorer l’estime de soi vis-à-vis d’autrui par ses propres propos (par exemple: «je suis le meilleur»). C’est un dogme du rap. Depuis le début du pimp rap jusqu’à aujourd’hui avec le gabarit du rappeur type dealeur/consommateur que tous les majors s’arrachent, l’égotrip a toujours été présent.

Pourtant, est-ce une forme de provocation? En partie oui pour une raison: l’égotrip ne repose pas seulement sur une haute estime de soi. Cela passe aussi par le dénigrement d’autrui. Prenons un exemple: placer «je suis fort dans le rap» dans un morceau n’apporte pas de réel puissance au propos. Au contraire dire «la concu est à genoux» ou encore “j’connais pas ces rappeurs, c’est eux qui me connaissent” donne un statut spécial de «numéro 1» à celui étant à l’origine de la punchline et qui de plus touche le restant des rappeurs, qui à leur tour s’autoproclameront numéro 1…

Evil Mr. Burns

Conclusion

Après tout, le rôle des artistes est t’il vraiment de jouer les portes étendards ? Leur métier n’est-il pas plutôt de divertir leur public ? Quelle est leur place dans la société ? Voilà quelques ouvertures vers l’essence même du débat.

Bien qu’elle ne trouve pas toujours sa place dans la musique, la provocation a toujours existé. Plus qu’une simple impulsion, la provocation serait d’après le coach Yan Mercoeur “une forme d’état d’esprit qui entraîne des comportements et donc aussi un mode de communication particulier”. […] Les provocateurs sont parfois vus comme amusants ou utiles. Ils (les provocateurs) font bouger les choses, ils offrent un autre point de vue sur les situations ou sur les gens”.

La provocation fait donc partie de la nature humaine. Par conséquent, faisons preuve de stoïcisme, c’est à nous de l’apprivoiser, de l’utiliser avec modération et de jauger ses limites.

Max
Max
Rédacteur - Passionné de rap

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