Dans les coulisses de l’UFC 321, une question brûle toutes les lèvres : et si c’était le dernier combat de Ciryl Gane ? Le combattant français s’apprête à affronter Tom Aspinall pour une troisième tentative de décrocher la ceinture des poids lourds. Deux échecs précédents face à Francis Ngannou et Jon Jones ont laissé des traces profondes. Pourtant, « Bon Gamin » revient avec une détermination renouvelée, un camp d’entraînement réinventé et une préparation intensive à Dubaï. Mais cette soif de revanche suffira-t-elle à conjurer le sort qui semble peser sur les combattants échouant deux fois à conquérir le titre suprême ? L’homme qui confessait en 2022 n’avoir « jamais rêvé d’être un grand champion » se retrouve aujourd’hui à un tournant décisif de sa carrière sportive. Son entraîneur Fernand Lopez a longuement interrogé sa motivation avant de valider ce retour sous les projecteurs. La réponse de Gane résonne comme un manifeste : pas de regrets, pas de « si ». Samedi soir, dans l’octogone de l’UFC, le Français ne défendra pas seulement ses chances de gloire. Il jouera sa place dans l’histoire du MMA français, peut-être même son avenir professionnel tout entier. Victoire éclatante ou défaite cruelle, ce combat pourrait bien marquer le point final d’une aventure hors norme dans les arts martiaux mixtes.
Le poids des échecs passés dans la carrière de Ciryl Gane
Les cicatrices ne mentent jamais. Ciryl Gane porte en lui le souvenir de deux défaites qui auraient pu briser n’importe quel athlète. D’abord Francis Ngannou, compatriote devenu rival, qui lui a arraché le rêve de la ceinture lors d’un combat tendu. Puis Jon Jones, légende vivante du MMA, face auquel le Français n’a tout simplement pas fait le poids.
Baba Diagne, ancien combattant de boxe thaï, ne cache pas son étonnement devant ce retour : « Franchement, je pensais qu’il ne reviendrait pas. Ciryl est arrivé tard dans le combat, presque par accident. Après Jones, je me suis dit qu’il en avait peut-être eu assez ». Cette franchise résume parfaitement le parcours atypique de Gane, entré dans l’arène des arts martiaux mixtes à 28 ans, sans l’ambition dévorante qui anime habituellement les champions.
Pourtant, quelque chose a changé. La défaite face à Jones a agi comme un électrochoc. Plutôt que de baisser les bras, le combattant français a décidé de tout reconstruire : nouveau camp d’entraînement, travail acharné sur ses faiblesses en grappling, métamorphose physique et mentale. Cette résilience impressionne même ses détracteurs.
Une franchise désarmante sur ses motivations réelles
Ce qui distingue Ciryl Gane des autres guerriers de l’UFC, c’est son honnêteté brutale. « Je n’ai jamais rêvé d’être un grand champion quand j’étais jeune », avouait-il en 2022 à RMC Sport. Une déclaration qui détonne dans un univers où la posture de warrior invincible fait partie intégrante du show.
Cette sincérité pourrait être perçue comme une faiblesse, mais elle révèle surtout un rapport singulier à la compétition. Gane n’a pas besoin de se mentir pour performer. Il combat sans illusions, conscient de ses limites, mais déterminé à repousser ses propres frontières. Une approche presque philosophique du sport de haut niveau.
La malédiction du troisième essai à l’UFC 321
Les chiffres sont sans appel : aucun combattant dans l’histoire de l’UFC n’a jamais conquis la ceinture après deux tentatives manquées. Cette statistique implacable plane comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Ciryl Gane. Tom Aspinall, son adversaire de l’UFC 321, n’a d’ailleurs pas manqué de remuer le couteau dans la plaie : « S’il ne gagne pas le titre cette fois, il ne le gagnera jamais. Il n’aura pas de quatrième chance ».
Cette pression psychologique constitue peut-être l’adversaire le plus redoutable. Alexandre Herbinet, journaliste spécialisé en MMA, ne mâche pas ses mots : « S’il perd trois fois un title shot en trois ans, le public sera très dur avec lui. Ce serait cruel, car il aurait perdu contre des monstres : Ngannou, Jones et Aspinall. Mais il resterait le Français qui a échoué trois fois pour le titre ».
L’ironie cruelle de cette situation ne l’échappe à personne. Perdre face aux plus grands n’est pas une honte objectivement, mais dans l’inconscient collectif, l’échec répété ternit l’image. Le combattant français le sait : samedi soir, il ne combat pas seulement pour un titre, mais contre une malédiction statistique et une perception publique impitoyable.
La retraite sportive comme issue logique après une défaite
Pour beaucoup d’observateurs avertis, une nouvelle défaite sonnerait le glas de la carrière sportive de Gane dans l’octogone. « Je ne vois pas pourquoi il continuerait », estime Herbinet. « Il a tout pour réussir ailleurs, dans les médias ou le cinéma ». Une analyse partagée par Baba Diagne : « Si Ciryl perd, personne ne lui en voudra d’arrêter. Il a construit beaucoup de choses hors de la cage, il n’a plus rien à prouver ».
Cette perspective de retraite sportive n’a rien d’une fuite honteuse. À 35 ans, avec un palmarès impressionnant malgré les défaites en title shot, Gane pourrait légitimement tourner la page. Son charisme naturel, sa facilité d’élocution et sa popularité en France lui ouvrent des portes bien au-delà des arts martiaux mixtes.
Victoire ou défaite : deux chemins vers la sortie
Paradoxalement, une victoire à l’UFC 321 pourrait tout autant marquer la fin de l’aventure. Antoine Simon, consultant MMA, développe cette hypothèse fascinante : « S’il bat Tom Aspinall, c’est comme s’il avait fini le jeu. Il serait le premier champion UFC français de l’histoire. Pourquoi continuer après avoir battu le boss final ? »
Cette lecture transforme le combat de samedi en une forme de « quitte ou double » existentiel. Défaite, et Gane quitte probablement l’octogone avec des regrets mais aussi la satisfaction d’avoir tout donné. Victoire, et il entre dans l’histoire en apothéose, avec la possibilité de partir au sommet. Dans les deux cas, la retraite sportive devient une option crédible, presque naturelle.
Le combattant français a lui-même installé ce cadre mental en confiant à son coach : « J’ai fait des sacrifices pour ne rien regretter. À la fin, il ne doit pas y avoir de ‘si’ ». Cette philosophie du « tout ou rien » suggère qu’après l’UFC 321, quelle que soit l’issue, Gane aura obtenu sa réponse définitive. Mission accomplie ou impossible, l’essentiel sera d’avoir tout tenté.
L’héritage d’un pionnier du MMA français
Au-delà du résultat sportif, Ciryl Gane a déjà inscrit son nom dans l’histoire des arts martiaux mixtes hexagonaux. Premier Français à combattre pour le titre des poids lourds de l’UFC, il a ouvert une voie que d’autres emprunteront. Son élégance technique, son striking raffiné et sa mobilité ont redéfini les standards de la division reine.
Même sans ceinture autour de la taille, Gane laissera une empreinte indélébile. Il a prouvé qu’un athlète arrivé tardivement dans la discipline pouvait rivaliser avec les monstres génétiques du MMA. Il a démontré qu’intelligence et stratégie pouvaient compenser la pure puissance brute. Ces leçons survivront à sa carrière sportive active.
Samedi soir, sous les lumières de l’UFC 321, « Bon Gamin » écrira peut-être le dernier chapitre de son roman sportif. Victoire historique ou défaite honorable, son avenir professionnel se dessinera dans cette cage où il a tant donné. Et si c’est effectivement son dernier combat, quel finale mémorable ce serait : face au meilleur, pour le titre suprême, sans regrets ni « si ». Exactement comme il l’avait promis.