Le football turc traverse une crise sans précédent. Ce qui semblait être une enquête de routine sur les paris sportifs s’est transformé en un séisme majeur qui ébranle l’ensemble du championnat national. Arbitres suspendus, joueurs internationaux écartés, présidents de club incarcérés : l’affaire prend une ampleur considérable.
Une enquête qui révèle un système gangrené
Fin octobre, la Fédération turque de football (TFF) dévoilait des chiffres alarmants : 152 arbitres professionnels pariaient activement sur des matchs. Parmi eux, 149 ont été immédiatement suspendus pour huit à douze mois. Mais le scandale ne s’arrête pas là.
L’enquête s’est rapidement étendue aux joueurs : plus de 1 000 footballeurs sont désormais soupçonnés d’avoir enfreint les règles interdisant aux acteurs du jeu de placer des paris. Tous doivent comparaître devant le Conseil de discipline de la fédération.

Des sanctions spectaculaires
Le parquet d’Istanbul a ouvert une instruction judiciaire qui a conduit à des mesures sans précédent. Lundi dernier, un tribunal a ordonné le placement en détention provisoire de six arbitres, tandis que onze autres ont été remis en liberté surveillée.
Le scandale atteint également les plus hautes sphères : deux présidents de clubs de Süper Lig sont poursuivis. Le président d’Eyüpspor a été incarcéré, celui de Kasimpasa placé sous contrôle judiciaire.
Face à cette crise, les matchs de troisième et quatrième divisions sont suspendus pour deux semaines dès ce week-end. Paradoxalement, la première division continue, malgré la présence de 27 joueurs suspects, dont Eren Elmali, défenseur international de Galatasaray écarté de la sélection nationale.
Les joueurs clament leur innocence
Confrontés aux accusations, de nombreux footballeurs se défendent. Elmali reconnaît avoir parié en 2020, mais sur un match ne concernant pas son équipe.
Necip Uysal, joueur emblématique de Besiktas, a porté plainte pour usurpation d’identité. “Je n’ai jamais parié, je n’ai jamais ouvert de compte”, a-t-il déclaré mardi au palais de justice d’Istanbul. “On a ouvert un compte sur un site de pari en ligne (ndr : comme premier bet par exemple) avec mon numéro d’identité pour placer des paris à mon nom.”
Le joueur, qui évolue à Besiktas depuis 20 ans, n’a pas caché son désarroi : “Je suis attristé d’impliquer mon club dans une telle affaire. Depuis hier, j’en ai perdu le sommeil. C’est le moment le plus difficile que j’ai jamais vécu.”

Les arbitres suspendus ont également réagi dans un communiqué commun, affirmant n’avoir jamais parié sur des matchs qu’ils arbitraient.
Des répercussions économiques immédiates
Le scandale touche aussi la bourse. Trois des quatre grands clubs turcs – Besiktas, Galatasaray et Trabzonspor – ont vu leurs actions chuter. À l’inverse, Fenerbahçe, dont aucun joueur n’est impliqué, enregistre une hausse de son titre.
La fédération turque s’est réunie mardi soir pour faire le point, tandis que l’enquête judiciaire se poursuit. Pour le football turc, l’enjeu dépasse les sanctions disciplinaires : c’est la crédibilité de tout un championnat qui est en jeu, avec des conséquences sur sa réputation internationale et ses participations européennes.
