Neeskens Kebano a toujours été un joueur discret mais efficace, capable d’illuminer un match par sa technique et sa vision du jeu. À 33 ans, l’international congolais évolue désormais au Qadsia SC au Koweït, loin des projecteurs européens qu’il a connus durant sept saisons à Fulham. Dans un entretien exclusif, l’ancien ailier des Cottagers révèle les coulisses de son départ d’Angleterre, les occasions manquées de rejoindre la Ligue 1 et notamment l’intérêt manifesté par l’Olympique Lyonnais.
Le parcours de Kebano illustre les aléas d’une carrière professionnelle où les blessures peuvent tout remettre en question. Formé au Paris Saint-Germain avant de s’épanouir en Belgique puis en Angleterre, le milieu offensif a dû faire face à une rupture du tendon d’Achille en novembre 2022 qui a bouleversé ses plans. Malgré une rééducation exemplaire et un retour anticipé sur les terrains, les négociations contractuelles avec Fulham ont tourné court, le poussant vers les championnats du Golfe. Entre regrets et opportunités saisies, Kebano évoque également les clubs français qui ont frappé à sa porte, parmi lesquels des formations prestigieuses du football français.
La rupture du tendon d’Achille : un tournant décisif dans la carrière de Kebano
La saison 2022-2023 avait parfaitement commencé pour Neeskens Kebano. Titulaire indiscutable à Fulham, il enchaînait les performances solides sous les ordres de Marco Silva. Mais en novembre 2022, le couperet tombe : une rupture du tendon d’Achille qui nécessite une opération à Paris et une rééducation de plusieurs mois. Cette blessure survient au pire moment, alors que le joueur est en fin de contrat en juin 2023.
L’entraîneur portugais Marco Silva rassure immédiatement son joueur, lui promettant d’intervenir auprès de la direction pour obtenir une prolongation de contrat. Ces paroles réconfortantes permettent à Kebano d’aborder sereinement sa convalescence. Il se fait opérer dans la capitale française, passe un mois en béquilles chez ses parents, avant de retourner à Londres pour poursuivre sa rééducation.
La Coupe du monde au Qatar se déroule pendant cette période difficile, et le joueur congolais observe impuissant le spectacle du football mondial. En décembre, sur les conseils de son chirurgien, Kebano prend une décision qui va s’avérer déterminante : partir trois semaines au FIFA Center à Dubaï pour poursuivre sa rééducation dans des conditions optimales.
Une rééducation accélérée qui change la donne
Le passage par Dubaï représente un véritable catalyseur dans le processus de guérison. Arrivé en béquilles, Kebano repart trois semaines plus tard en marchant normalement, une progression spectaculaire qui surprend même le staff médical de Fulham. Les conditions météorologiques favorables et l’encadrement de pointe du centre émirati permettent une évolution bien plus rapide qu’elle ne l’aurait été sous le climat londonien.
Cette avancée remarquable contraste cependant avec le silence persistant de la direction des Cottagers concernant sa situation contractuelle. Malgré les progrès visibles, aucune proposition concrète n’arrive sur la table. En février, Kebano décide d’interpeller directement Marco Silva, qui se montre surpris et promet de relancer les dirigeants.
Le discours change alors radicalement. Le directeur sportif fait comprendre à l’agent du joueur que le club de football ne s’engagera pas tant qu’il n’aura pas la certitude que Kebano reviendra à son meilleur niveau. Cette position met l’international congolais dos au mur, le forçant à intensifier encore davantage son travail pour revenir plus vite que prévu.
Le retour triomphal sur les pelouses anglaises et les négociations avortées
Après seulement cinq mois de rééducation, Neeskens Kebano effectue son retour sur les terrains, en avance sur tous les protocoles habituels pour ce type de blessure. Son entrée en jeu provoque une véritable ovation de la part des supporters de Fulham, témoignant de l’affection particulière que lui portent les fans du club londonien. Cette relation privilégiée avec le public de Craven Cottage s’est construite au fil de sept années de loyaux services.
Le propriétaire du club, le milliardaire Shahid Khan, vient personnellement féliciter le joueur après le match, soulignant sa satisfaction de le revoir opérationnel. Ces marques de reconnaissance donnent espoir à Kebano quant à son avenir chez les Cottagers. Quelques jours plus tard, le directeur sportif le contacte effectivement pour lui soumettre une proposition contractuelle.
Mais l’offre déçoit : un contrat d’un an seulement. Pour Kebano, cette proposition aurait été acceptable au moment de sa blessure, quand l’incertitude planait sur sa capacité à revenir. Mais après avoir prouvé sa détermination et retrouvé son niveau, elle apparaît insuffisante. Le joueur décline poliment, espérant que le club reviendra avec une meilleure offre.
Les dernières discussions avant le départ définitif
En fin de saison, Marco Silva assure à Kebano qu’il compte sur lui pour l’exercice suivant et que la direction reviendra avec une proposition améliorée. Les vacances passent sans nouvelle, jusqu’à ce qu’une seconde offre arrive finalement : toujours un an de contrat, sur les mêmes bases que la première. Cette répétition révèle la stratégie du club, qui mise sur l’attachement du joueur à Londres et à Fulham pour le faire plier.
Mais Kebano ne se laisse pas attendrir. Il pose un ultimatum clair : si le club veut vraiment le garder, il doit le démontrer concrètement par un engagement plus long. Entre-temps, d’autres options se présentent, notamment celle d’Al-Jazira aux Émirats Arabes Unis. Le club émirati propose un contrat de deux ans et présente un projet ambitieux pour convaincre le joueur.
Face à l’absence de geste significatif de Fulham et conscient qu’à 31 ans, il entre dans une phase différente de sa carrière, Kebano accepte l’offre émiratie. Après sept années passées dans la capitale britannique, où il a vécu de “supers moments”, il tourne la page anglaise pour une nouvelle aventure au Moyen-Orient.
Les opportunités manquées en Ligue 1 et l’intérêt de l’OL
Une question revient souvent dans l’esprit des observateurs du football français : pourquoi Neeskens Kebano n’est-il jamais revenu en Ligue 1 après ses passages remarqués en Belgique et en Angleterre ? Le principal intéressé apporte une réponse sans détour : les occasions ne lui ont pas manqué, mais aucune ne correspondait réellement à ses attentes ou ne s’est concrétisée au bon moment.
Parmi les clubs qui se sont manifestés, Montpellier a clairement formulé une proposition. Le MHSC, habitué à recruter des joueurs expérimentés pour apporter leur vécu aux jeunes pousses, voyait en Kebano un profil intéressant. Pourtant, le joueur n’y voyait pas le projet suffisamment stimulant pour quitter l’Angleterre ou revenir en France.
Plus surprenant, l’Olympique Lyonnais s’est renseigné sur son profil pendant son passage à Fulham. L’OL, club historique du championnat français et habitué des compétitions européennes, représentait une option bien plus séduisante. Toutefois, ces contacts exploratoires ne se sont jamais transformés en offre concrète, laissant Kebano avec un léger regret de ne pas avoir pu porter les couleurs rhodaniennes.
Brest et les autres pistes hexagonales
Le Stade Brestois figure également parmi les clubs français ayant manifesté un intérêt pour les services de l’ailier congolais. À un moment de sa carrière, le club finistérien, alors en pleine restructuration et cherchant à se stabiliser en première division, avait envisagé de faire appel à son expérience. Mais là encore, le timing n’était pas idéal ou les conditions proposées ne convenaient pas.
Ces différentes sollicitations démontrent que le profil de Kebano intéressait bel et bien les recruteurs de Ligue 1. Son expérience en Championship et en Premier League, sa capacité à créer du danger sur les côtés et sa polyvalence offensive représentaient des atouts indéniables pour plusieurs formations françaises. D’autres clubs comme le Lille OSC, le RC Strasbourg, le Stade Rennais ou le FC Nantes auraient également pu bénéficier de ses qualités.
Mais comme l’explique le joueur lui-même, revenir en France ne figurait pas vraiment dans ses plans. Après avoir goûté au football anglais et à son intensité particulière, retourner dans l’Hexagone représentait peut-être un pas en arrière dans son esprit. Cette position illustre un paradoxe fréquent chez les joueurs français évoluant à l’étranger : l’attrait pour l’exotisme professionnel peut l’emporter sur le retour aux sources.
L’expérience anglaise : sept ans d’amour avec Fulham et ses supporters
Interrogé sur ce qui rend le championnat anglais si spécial, Neeskens Kebano ne tarit pas d’éloges. L’euphorie des stades, la ferveur inconditionnelle des supporters, l’atmosphère unique qui règne dans les enceintes britanniques constituent pour lui une expérience incomparable. Les fans anglais vivent leur passion de génération en génération, transformant chaque match en événement familial et culturel.
Cette dimension spectacle, couplée aux moyens colossaux investis par les clubs et la ligue, crée un environnement professionnel d’exception. Les infrastructures, les conditions d’entraînement, les budgets de transfert disponibles placent la Premier League et même le Championship dans une catégorie à part. Pour Kebano, il s’agit clairement du meilleur championnat du monde, même s’il concède que d’autres compétitions européennes ne sont pas si loin derrière.
Le point culminant de son aventure londonienne reste la saison 2021-2022, marquée par le titre de champion du Championship. Cette année-là, le trident offensif composé d’Aleksandar Mitrovic, Harry Wilson et lui-même terrorise les défenses adverses. Kebano compile 9 buts et 7 passes décisives, Wilson atteint environ 12 buts et 10 assists, tandis que le buteur serbe explose tous les compteurs avec 43 réalisations.
Marco Silva, un entraîneur qui marque les carrières
La relation entre Kebano et son entraîneur Marco Silva représente un élément fondamental de sa réussite à Fulham. Le technicien portugais a toujours fait preuve d’honnêteté envers son joueur, une qualité rare et précieuse dans le milieu professionnel. Cette franchise s’est manifestée dès le début de leur collaboration et s’est maintenue jusqu’à la fin, y compris lors des négociations contractuelles difficiles.
En juillet dernier, les deux hommes se sont retrouvés lors d’un camp d’entraînement des Cottagers. Silva a même plaisanté sur la possibilité de recruter à nouveau Kebano, qui se trouvait alors sans contrat. Cette boutade témoigne de l’estime mutuelle qui persiste entre l’entraîneur et son ancien protégé. Pour le Congolais, Silva incarne le type de coach que tout joueur désireux de progresser souhaite avoir.
Le style de management du Portugais repose sur la méritocratie : il n’hésite jamais à aligner les meilleurs éléments et ceux en forme, indépendamment de leur statut ou de leur salaire. Cette approche pragmatique et juste crée une émulation saine au sein du groupe et pousse chaque joueur à donner le meilleur de lui-même. Selon Kebano, Silva possède encore une belle marge de progression et peut prétendre à entraîner des clubs encore plus prestigieux à l’avenir.
Les retrouvailles avec Nabil Fekir à Al-Jazira
L’aventure émiratie a permis à Neeskens Kebano de côtoyer un autre ancien prétendant de la Ligue 1 : Nabil Fekir. L’ancien capitaine de l’Olympique Lyonnais et champion du monde 2018 évoluait également à Al-Jazira, offrant ainsi l’opportunité à ces deux techniciens de collaborer sur les terrains du Golfe. Cette association a produit des étincelles et créé une complicité évidente, tant sur le plan sportif que personnel.
Kebano garde un excellent souvenir de cette période partagée avec le meneur de jeu français. Leur entente sur le terrain était fluide, naturelle, permettant au club d’Abu Dhabi de produire du jeu séduisant. En dehors des pelouses, les deux hommes ont également développé une vraie amitié, partageant leur expérience du football européen et leur adaptation commune à l’environnement émirati.
Malheureusement, les blessures ont perturbé cette association prometteuse. Les deux joueurs ont connu des pépins physiques qui les ont privés de temps de jeu commun, empêchant le duo d’exprimer pleinement son potentiel. Malgré ces contretemps, Kebano affirme avoir pris beaucoup de plaisir pendant les périodes où ils étaient tous deux disponibles, regrettant simplement que cette collaboration n’ait pas pu durer plus longtemps dans des conditions optimales.
Le passage déterminant par la Belgique : Charleroi et Genk
Avant de briller en Angleterre, Neeskens Kebano a construit sa réputation en Belgique, un championnat souvent sous-estimé mais qui s’est révélé être un formidable tremplin pour sa carrière. Son passage au Sporting Charleroi entre 2013 et 2015 constitue un tournant majeur, lui permettant de s’affirmer comme un élément offensif redoutable avec 23 buts en 72 matchs.
Cette période belge représente bien plus qu’une simple étape statistique. Elle symbolise le moment où un jeune joueur brut de décoffrage, sorti du Paris Saint-Germain sans avoir vraiment percé, prend son envol et révèle son véritable potentiel. L’environnement belge, moins médiatisé et moins pressant que celui des grands championnats, offre l’espace nécessaire pour développer son jeu sans pression excessive.
En 2015, Kebano est élu Soulier d’Ébène, récompense attribuée au meilleur joueur africain évoluant en Belgique. Cette distinction couronne ses performances remarquables et attire logiquement l’attention de clubs plus ambitieux. C’est ainsi qu’il rejoint Genk, autre formation belge de premier plan, où il passera une saison avant son grand saut vers l’Angleterre avec 9 buts en 46 apparitions.
Felice Mazzu, le coach qui a tout changé
Parmi les rencontres décisives de sa carrière, celle avec l’entraîneur Felice Mazzu à Charleroi occupe une place particulière dans le cœur de Kebano. Le technicien belge a su transformer un joueur nerveux, impatient et encore immature en un professionnel accompli et efficace. Ce travail en profondeur sur les aspects mentaux et tactiques a permis au Congolais de franchir un palier déterminant.
Mazzu a notamment travaillé sur la gestion des émotions de son joueur, lui apprenant à canaliser son énergie et à prendre les bonnes décisions dans les moments cruciaux. Cette éducation footballistique approfondie a posé les bases de tout ce qui a suivi dans la carrière de Kebano. Sans ce passage par Charleroi et sans l’influence bienveillante de cet entraîneur, le parcours ultérieur en Angleterre n’aurait probablement jamais vu le jour.
Rétrospectivement, le choix de quitter le PSG pour tenter sa chance en Belgique apparaît comme l’une des meilleures décisions prises par le joueur. Ce pari sur un championnat moins huppé mais offrant du temps de jeu et de la confiance s’est avéré payant. Il illustre parfaitement le parcours de nombreux footballeurs qui doivent parfois faire un pas de côté pour mieux progresser et revenir ensuite au premier plan.
Du Koweït à Qadsia SC : une nouvelle page s’ouvre
Après son passage à Al-Jazira, Neeskens Kebano a rebondi au Qadsia SC, club de première division koweïtienne. Ce choix peut surprendre pour un joueur qui a connu les pelouses de Premier League, mais il s’inscrit dans la continuité de son aventure au Moyen-Orient. Le Koweït offre un environnement différent des Émirats, avec ses spécificités culturelles et sportives propres.
Au sein de cette nouvelle équipe, l’international congolais retrouve deux compatriotes bien connus du football africain : Arsène Zola et Henock Inonga, tous deux évoluant à Al Kuwait, le club rival et champion en titre. Cette présence congolaise dans le championnat koweïtien témoigne de l’attractivité croissante des ligues du Golfe pour les joueurs du continent africain, attirés par des conditions salariales avantageuses et une qualité de vie confortable.
À 33 ans, Kebano apporte son expérience considérable à sa nouvelle formation. Sa vision du jeu, sa technique affûtée et sa maturité tactique représentent des atouts précieux pour Qadsia SC. Le club koweïtien espère que l’ancien de Fulham saura créer des opportunités offensives et apporter de la fluidité dans les phases de construction, tout en transmettant son savoir-faire aux plus jeunes éléments de l’effectif.
L’avenir international avec les Léopards remis en question
Un sujet plus délicat concerne l’avenir de Kebano avec la sélection congolaise. Fort de 35 sélections et 6 buts avec les Léopards, l’ailier a toujours répondu présent lorsque son pays l’appelait. Mais la situation semble avoir évolué sous l’ère du sélectionneur Sébastien Desabre. Dans une déclaration franche et quelque peu douloureuse, Kebano a laissé entendre qu’il n’entrerait plus dans les plans du technicien français.
Cette mise à l’écart potentielle soulève des questions sur les choix tactiques et générationnels opérés par Desabre. Le sélectionneur privilégie-t-il des profils plus jeunes ? Considère-t-il que l’évolution de Kebano dans des championnats moins exposés diminue son niveau ? Ou s’agit-il simplement d’une question d’adaptation au système de jeu mis en place ? Kebano lui-même avait déjà pris ses distances lors d’un rassemblement en juin 2023, estimant ne pas être prêt physiquement après sa blessure et préférant se concentrer sur sa situation en club.
Cette situation illustre le dilemme de nombreux joueurs qui choisissent des destinations exotiques en fin de carrière : ils s’éloignent des radars des sélectionneurs, généralement plus enclins à suivre les joueurs évoluant dans les grands championnats européens. Pour Kebano, ancien cadre des Léopards, cette probable fin d’aventure internationale marque un tournant mélancolique, même si son parcours avec la RD Congo lui aura permis de briller sur la scène continentale.